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C’est dans la fugacité d’un soir, chez un ami, qui me tendit un petit tampon en cuivre à graver et, quelques pointes sèches que j’ai réalisé les images reproduites ci-dessus.
J’avais alors dans la tête de façon vague et diffuse, un phare, peut-être un moulin. Bref, ce qui pouvait ressembler aux quais fluviaux que longent les ferry-boats reliant Lisbonne à la banlieue Sud de mon enfance et, dans un coin de ma mémoire, L'Ode maritime de Fernando Pessoa. A cette époque, ma peinture me semblait dans une impasse, me restituant une imagerie démodée et glacée, qui restait dans le maniérisme d’une matière posée d’emblée, et qui comme disent les Latins fonctionne « avec son propre vis -, c’est-à-dire avec sa propre vertu et sa propre violence. » A force d’inattendus révélés, à vouloir trop cerner la figuration, la représentation se desséchait.

Quelques années plus tard, dans l’espoir de trouver une interprétation critique face au hasard des coïncidences, je repris des études. Je travaillais sur les estampes d’Eugène Leroy, conservées à Gravelines, au musée de l'Estampe et du Dessin. L'évènement qui va suivre mérite d'être mentionné pour son caractère inattendu et étrange. Après avoir présenté une séquence de trois monotypes issus d'une même matrice non retouchée, certains s'exclamèrent de manière péremptoire et amusée : « Vous croyez que ça tombe du ciel ! Il n’y a pas de second degré ! ».  





 

Sept jours plus tard, venant d'établir mes recherches en un plan après avoir écrit Merveilleux endernier mot, je me rendis à l'université. Sur la route, je fus abordée par une dame très sympa et cordiale, Georgette. Georgette était la mère de Marina, la dernière compagne et muse d'Eugène Leroy, à qui je rendis visite le lendemain.
Dans l'oeuvre gravé d'Eugène Leroy, à Gravelines, cela se termine par des têtes de mort...
 

Séquence de coïncidences,
pointe sèche sur cuivre, papier de soie
Santeria,
monotypes sur papier de soie, 4,5 cm x 3,3 cm par vignette

«S’il en est ainsi, il faut se méfier grandement de la spontanéité, et c’est l’artifice qui mériterait des louanges étudiées, devenant art, artefact ou comme on dit dans l’Alentejo (ou comme on le disait au temps jadis) artemage, dont on voit d’emblée qu’il s’agit d’une façon populaire de désigner les arts magiques. Ou ne s’agirait-il pas plutôt de l’art de l’image ? Comme je n’ai pas complètement oublié que je suis un peintre, cette dernière hypothèse me plait qui consiste à appeler la peinture artemage. Le nom d’artemagista serait bien plus beau que celui de peintre, plus rigoureusement exact en l’occurrence, puisqu’il est des peintres forts différents et divers, et très éloignés de la peinture.»  

José Saramago

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